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Comment expliquer le regain d’activité de la LRA en Centrafrique?

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Le 4 avril 2018, une opération conjointe menée par des Casques bleus et les Forces armées centrafricaines (FACA) a permis de libérer une quinzaine de civils qui avaient été kidnappés par l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) dans l’extrême sud-est de la République centrafricaine (RCA). Pourtant, en mars 2017, le chef de l’US Africom[1], Thomas Waldhauser, annonçait que le groupe armé avait été « réduit à l’insignifiance »[2] après avoir été traqué sans relâche pendant six années. Profitant de l’apparition d’un « vide sécuritaire » dans l’est de la RCA depuis fin avril 2017, la LRA multiplie aujourd’hui les raids et les kidnappings à l’encontre des populations civiles. 

La LRA : un groupe rebelle ougandais censé être « réduit à l’insignifiance »

La Lord’s Resistance Army est un groupe rebelle acholi (région du nord de l’Ouganda) qui s’est formé entre 1986 et 1988, et dont le but était de renverser le président ougandais Museveni. Originellement, le mouvement souhaitait mettre en place un régime en Ouganda dont le système juridique reposait sur les Dix commandements de la Bible. Son actuel chef, Joseph Kony, aussi surnommé « le Messie sanglant », déclare recevoir ses ordres directement de Dieu et est considéré comme un prophète par ses hommes.

La LRA est principalement composée d’enfants soldats.

Après avoir été chassée du nord de l’Ouganda en mars 2009, la LRA s’est réfugiée dans une vaste « zone grise » englobant le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), l’ouest du Soudan du Sud ains et craint pour son extrême cruauté, le groupe armé a continué de terroriser les populations civiles. Usant des techniques de guérilla, elle se livre régulièrement à des raids sanglants, des amputations ou encore des agressions sexuelles dans l’est de la RCA. Par ailleurs, la LRA a pratiqué extensivement le kidnapping d’enfants, considéré par J. Kony comme « le prélèvement de sa dîme ». Ces derniers sont amenés à devenir de futurs combattants du groupe après un processus d’endoctrinement ou de simples esclaves sexuels, plus particulièrement pour les jeunes filles. En 2013, un rapport des Nations unies indiquait que le groupe était responsable de la mort de 100 000 personnes, de l’enlèvement de plus de 60 000 enfants et du déplacement de 2,5 millions de personnes depuis 1987.

Néanmoins, à partir de 2011, le groupe d’origine ougandaise s’affaiblit fortement. Tout d’abord, suite à la mobilisation d’une multitude d’ONG pour dénoncer les atrocités commises par la LRA , Barack Obama prend la décision d’envoyer 100 soldats des forces spéciales américaines dans l’est de la RCA. Ces derniers ont pour mission d’appuyer les forces armées régionales, par le partage de renseignement et des conseils, et de capturer J. Kony, recherché par la Cour pénale internationale. En outre, en septembre 2012, l’apparition d’une Force régionale d’intervention de l’Union africaine (FRI-UA), composée quasi exclusivement d’ougandais dans les faits, a amoindri très sérieusement la capacité d’action du groupe armé. En quelques années, selon plusieurs responsables de l’Africom, les effectifs de la LRA auraient chuté de plus d’un millier d’hommes à quelques centaines de combattants désorganisés.

Exploitation de la soudaine apparition d’un « vide sécuritaire »

Or, depuis le printemps 2017, la LRA semble renaitre de ses cendres. Ce regain d’activité s’expliquerait principalement par le désengagement des différentes forces militaires qui traquaient le groupe. Leur retrait s’est effectué à contre-courant de la volonté des populations locales et a soudainement créé un « vide sécuritaire »[3] dans une vaste région qui échappe à tout contrôle étatique.

Tout d’abord, fin avril 2017, les forces spéciales américaines ont quitté l’est de la RCA, sans avoir arrêté Joseph Kony. Donald Trump, considérant que la milice ougandaise « n’avait jamais attaqué directement les intérêts des USA », que le groupe était quasiment anéanti et que les coûts de la traque étaient trop élevés, a mis fin à l’opération lancée par son prédécesseur. Dès le mois suivant, l’Ouganda a retiré ses 2500 soldats déployés dans la FRI-UA. Par conséquent, malgré un renouvellement du mandat de cette Task Force jusqu’en mai 2018, celle-ci manque de fonds et ne dispose que de quelques soldats mal équipés. Enfin, le manque de collaboration entre les États régionaux a facilité la survie des derniers combattants de la LRA. Par exemple, malgré son appartenance à la FRI-UA, la RDC a toujours refusé de laisser les forces armées de cette dernière traverser librement sa frontière en cas de poursuite des rebelles ougandais.

Regain d’activité et sérieuse menace pour les civils en RCA

Selon le chef du bureau de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation de la Centrafrique (MINUSCA) à Obo, Laurent Wastelain, les effectifs de la LRA s’élèveraient actuellement à 200 hommes divisés en trois factions distinctes, dont l’une d’entre elle serait dissidente[4]. Les combattants du groupe restent difficilement traçables puisqu’ils se déplacent à pied à travers les frontières, connaissent parfaitement le terrain et sont peu dépendants des appareils technologiques modernes. Les escouades, quasi-systématiquement en mouvement, sont équipées de fusils d’assauts, de panneaux solaires portables et de rares téléphones. Les revenus des combattants proviennent de l’extraction minière (or et diamant), d’opérations de razzia dans des villages, de la pratique du braconnage dans les parcs nationaux de la Garamba (RDC) et de Zemongo (RCA), voire du trafic d’esclaves. Plusieurs témoins ont également indiqué que des soldats de la milice ougandaise monnayaient leurs services auprès d’éleveurs nomades pour escorter des troupeaux entre le Soudan et la RCA.

Si le groupe est aujourd’hui divisé en interne et que son idéologie a disparu, ses combattants sont fortement actifs dans le sud-est de la RCA. En effet, ce pays est traversé par une grave crise politique depuis 2013 et 80% de son territoire est contrôlé par des groupes armés. Les rebelles ougandais remontent plusieurs couloirs depuis les régions congolaises du Bas et du Haut-Uélé, et restent « une vraie menace pour les civils »[5]. Privilégiant les enlèvements aux attaques meurtrières, la LRA est principalement présente dans les provinces de Mbomou et du Haut-Mbomou (sud-est du pays). Cependant, malgré des affrontements avec d’autres groupes armés appartenant majoritairement à l’ex-Séléka en 2017, elle semble de plus en plus active dans la province de la Haute-Kotto (est du pays). Selon le site LRA Crisis Tracker, 17 attaques et 65 enlèvements de civils ont été attribués à des factions de la LRA depuis le début de l’année en RCA. Il est néanmoins nécessaire de prendre du recul sur ces données puisque plusieurs milices armées proliférant dans la région camoufleraient leurs exactions en se faisant passer pour des membres du groupe ougandais.

En somme, les États concernés par les exactions de la LRA sont actuellement fortement déstabilisés par des crises politiques et semblent incapables de répondre par eux-mêmes à la menace que représente ce groupe criminel transfrontalier. Par ailleurs, les opérations de maintien de la paix des Nations unies (MONUSCO en RDC et MINUSCA) manquent cruellement d’effectifs et de moyens pour protéger l’ensemble des populations civiles. Ainsi, sans l’application d’une stratégie politico-militaire durable reposant sur une réelle implication – et collaboration – de l’ensemble des États régionaux, il sera impossible de « définitivement mettre fin aux activités de la LRA »[6]. Enfin, il est également indispensable que des bailleurs internationaux apportent un soutien financier à la FRI-UA. Cette dernière pourra ainsi accroitre ses effectifs militaires, mener des campagnes incitant les combattants de la LRA à la défection et initier des programmes de réintégration qui s’avèreront utiles afin d’affaiblir un des plus anciens et sanguinaires groupes d’Afrique centrale.

[1]  Le commandement des Etats-Unis pour l’Afrique.

[2] « Department of Defense Press Briefing on U.S. Africa Command by General Thomas D. Waldhauser, commander, U.S. Africa Command », US Department of Defence, 24 mars 2017.

[3] Charlotte Cosset, « RCA: le retrait des forces ougandaises d’Obo va laisser un vide sécuritaire », RFI, 24 mai 2017.

[4] « Centrafrique: même décimée, la LRA de Kony continue d’inquiéter », Slate Afrique, 7 mars 2018.

[5] Rapport du Secrétaire général des Nations unies sur la République centrafricaine, février 2018.

[6] Termes employés par le chef du Bureau régional des Nations unies pour l’Afrique, Abou Moussa, lors de l’inauguration de la FRI-UA en septembre 2012.

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